Le Christ fin de siècle (contribution à l'étude de la spiritualité "décadente" en France)

En opposition au Christ romantique, lié à l'idéologie du devenir et du sens de l'histoire, les images du Christ fin de siècle se donnent dans l'éclatement, le multiple et l'ambigu. La figure romantique du Christ offrait une unité quasi mythique à la recherche de la justice (Michelet), de la vie intérieure, de la religion purifiée, "en esprit et en vérité" (Renan), d'un idéal à la fois social et spirituel (Sand), de la résorption du mal (Hugo). A la seconde moitié du siècle, se dessine, avec le reflux du mythe finaliste du progrès, un repli sur l'intériorité, sur l'unicité de l'être individuel et de tout ce qui l'exalte. Hello authentifie le besoin ardent d'atteindre le Christ par la proximité, le contact, le toucher. Bloy pour qui le Christ est d'abord le pauvre, n'insiste pas moins sur la présence du corps souffrant: dans l'éclairage fin-de-siècle, la chair dit le spirituel; un échange constant, une véritable réversibilité s'opèrent de l'un à l'autre. Aux phénomènes linguistiques de morcellement, caractéristiques de la décadence, correspond l'éclatement du symbole christique; images éclatées d'un corps lui-même démultiplié, qui souffre en chacun de ses membres. Ainsi chez Huysmans (dans là-bas et surtout dans Sainte Lydwine) où l'acuité au spirituel et le regard du peintre s'aiguisent l'un par l'autre. C'est par une sorte de mystique de la sensation que Verlaine se trouve amené à la rencontre du Christ, dont la présence charnelle marque fortement la spiritualité du converti. Ainsi le Christ fin de siècle se voit associé à une atmosphère spirituelle à la fois présente et diffuse, à un certain climat intérieur, ainsi qu'à une lumière d'art.LYON2/BRON-BU (690292101) / SudocSudocFranceF